Tu connais la coloc’ solidaire ? Découvre le témoignage de Martin, volontaire à Valgiros

Je m’appelle Martin, j’ai 26 ans, je travaille dans une grande entreprise tech française et depuis six mois, je vis avec des anciens sans abris à Valgiros, la colocation solidaire des Captifs.

Pourquoi as-tu choisi de vivre à Valgiros ?

Depuis plusieurs mois, je m’interrogeais sur mon rythme de vie : j’avais plusieurs engagements à droite et à gauche, professionnels, associatifs, paroissiaux, amicaux… J’avais l’impression de ne jamais toucher terre, de ne pas parvenir à m’ancrer : dans ma vie quotidienne, avec les personnes qui m’entourent, dans ma vie de foi et de prière. Je sentais que cette vie m’épuisait, peu à peu, comme si elle se vidait de son sens.

Ma réflexion sur la colocation solidaire – qui trottait dans ma tête depuis plusieurs années – s’est alors intensifiée. J’ai donc contacté Baptiste, volontaire à Valgiros jusqu’en juillet dernier. Nous nous sommes vus, il m’a présenté Valgiros, de manière assez « cash », sans angélisme : tout ce que j’aime ! Puis je suis venu dîner deux fois, j’ai rencontré Véronique, la directrice, qui a été tout aussi « cash », et je me suis décidé ! J’ai rendu mon grand et confortable appartement du 12ème arrondissement et j’ai emménagé à Valgiros le jour de la Pentecôte, un an jour pour jour après avoir reçu la Confirmation. Une coïncidence dont je me suis rendu compte que récemment, et qui n’est pas vraiment un hasard à mes yeux.

En quoi consiste ta mission comme volontaire ?

Mon entourage me demande souvent en quoi consiste mon engagement, concrètement.

Il m’est très difficile de répondre à cette question : nous avons bien sûr des obligations chaque semaine, mais notre mission ne peut s’y résumer. Un dîner hebdomadaire et une activité culturelle ne suffisent pas à s’enraciner dans le lieu et à tisser des relations fraternelles !

En fait, je réponds souvent, sur un ton provocateur, que « je ne sers à rien ». Je ne vais pas sauver les personnes avec qui je vis : seul Dieu sauve. Je ne suis pas même certain que leur situation s’améliorera à mon contact : je ne suis pas travailleur social, et de toute façon, le choix de la réinsertion (sous toutes ses formes) ne nous appartient pas. Ce qui est certain, c’est que la plupart de mes colocs vivaient à Valgiros avant moi, et continueront sans doute d’y vivre après mon départ.

Non, mon utilité, notre utilité, est ailleurs : celle d’être là, tout simplement, et d’essayer de vivre une vie fraternelle, sans rien en attendre. Ni plus, ni moins. C’est un vrai travail d’humilité ! C’est d’ailleurs à travers cette vie communautaire que je me rends compte de toutes mes faiblesses et mes imperfections dans la manière de la vivre et dans ma relation aux autres. J’ai parfois l’impression d’avoir la maladresse d’un manchot sur une trop fragile banquise.

Quels en sont les fruits ?

Dans un texte que j’ai lu récemment, L’arbre renversé, Pierre Favre, son auteur, invite à se consacrer et se concentrer davantage sur les racines, plutôt que sur les fruits. Ce texte exprime très bien la manière dont j’entrevois mon engagement : ne pas chercher les fruits, se concentrer sur l’enracinement.

Pourtant, les grâces sont nombreuses à Valgiros. Celles du quotidien : une discussion, un fou rire, un repas partagé, un échange de regards silencieux. Rien de bien extraordinaire, mais « il en faut peu pour être heureux » comme dit le dicton, et il se vérifie pleinement ici.

Une autre grâce est celle d’avoir une équipe de volontaires renouvelée : sans doute pour la première fois dans l’histoire de Valgiros, nous tous, Maïté, Apolline, Pauline, Gonzague, Ange-Pierrot, Paul et moi sommes arrivés quasiment en même temps, à quelques semaines d’intervalle. Nous formons une équipe soudée et très complémentaire, dans nos personnalités, nos qualités et nos faiblesses.

Bien sûr, derrière ces petites (et grandes) joies du quotidien, il y a les difficultés de tous les jours et de notre mission dans son ensemble. La plus grande pour moi est de travailler ma patience, pour faire toujours grandir l’amour envers mes colocataires, même quand parfois c’est difficile, quand la différence est trop grande, que le fossé est trop profond. Cette différence, ce fossé, peuvent prendre bien des formes : le rapport à l’hygiène et à la propreté, à la vie collective, les comportements et les tempéraments, les effets liés à la consommation parfois excessive d’alcool, la différence d’âge et de vécus et puis, évidemment, les affinités de chacun. Quoi qu’il en soit, et c’est peut-être le principal finalement, je chemine, sur ma banquise !

Mais la profonde joie de ma mission, c’est de découvrir un peu plus chaque jour la manière dont Jésus se rend présent en ce lieu, dans les liens que nous tissons et avant tout dans le coeur de mes colocataires. Peu à peu, Il se dévoile. Dans les discussions, les rires, les regards, les larmes. Dans les petits coups de sang ou les grandes colères. Dans les addictions et la souffrance la plus profonde. Celle de vies abîmées ou brisées, captives, qu’Il ne vient pas forcément réparer, mais qu’Il remplit de son amour.

Depuis quelques semaines, nous vivons une expérience très forte. Naïma, 60 ans, abîmée par 20 ans de rue et deux accidents qui l’ont rendue infirme, a chuté dans le salon et s’est brisé la rotule. Dès les premiers jours, sans se concerter ni vraiment se coordonner, nous assistons Naïma dans ses moindres mouvements : faire sa toilette, se lever, se coucher, se déplacer, se nourrir, s’habiller et se déshabiller… Pour la plupart d’entre nous, c’est une première. Nous n’avons pas réfléchi : c’est les coeurs et les mains maladroites qui agissent, peut-être guidés et aidés par l’Esprit Saint.

Le cœur à cœur que nous vivons avec Naïma, dans sa souffrance, ses sourires, ses grimaces, ses blagues, ses jurons et ses colères, est souvent exigeant voire difficile à porter, avant tout pour elle-même.

Toutefois, il est magnifique et bouleversant à bien des égards. Il me fait grandir et je sais déjà qu’il restera à jamais gravé dans ma mémoire.

Une invitation pour nos lecteurs ?

Oui ! Nous recherchons deux volontaires, hommes, pour nous rejoindre. N’hésitez pas à découvrir et faire découvrir Valgiros sur valgiros.captifs.fr !