Les écarts entre législation et jurisprudence vis à vis de la prostitution font débat régulièrement et depuis des temps anciens. Le système français, en théorie abolitionniste depuis 1960, est aujourd’hui source d’ambiguïtés.
Le système français
Une ambiguïté est d’abord entretenue par l’absence d’une définition juridique de la prostitution : seule la personne qui s’adonne à la prostitution est définie; non la prostitution. Cette définition a été donnée uniquement par la jurisprudence (Cour de Cassation en 1912, reprise en 1996); la législation reste muette.
Autre ambiguïté: pour lutter contre la prostitution, les maisons closes sont fermées en 1946 par la loi Marthe Richard, mais un ficher sanitaire et social obligatoire pour toute personne en situation de prostitution est mis en place, privilégiant ainsi un régime sanitariste plutôt que réellement abolitionniste.
En 1960, la France ratifie la Convention de l’ONU pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui et devient dès lors officiellement abolitionniste. Elle met en place les SPRS – Service de Prévention et de Réadaptation Sociale.
Les efforts de répression portent sur le trouble à l’ordre public (délit de racolage actif et passif avec la loi de sécurité intérieure de 2003) et sur le proxénétisme dont la définition française est très large : proxénétisme de soutien, de contrainte, par entremise, hôtelier et immobilier.
La France s’est engagée fortement dans la lutte contre la traite des êtres humains à des fins de prostitution avec la signature en 2000 du protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, ainsi que la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains en 2005.
Cependant, les politiques récentes créent de nouvelles ambiguïtés. Elles défendent les droits des femmes, mais font peser la répression sur les personnes prostituées (pénalisation du racolage passif par exemple), ne leur donnent pas droit à la sécurité sociale, ni à la retraite, et les obligent à s’acquitter de l’impôt sur les revenus issus de la prostitution. En se centrant sur la défense des droits des femmes, elles marginalisent par ailleurs la prostitution masculine et transgenre. Les moyens d’aide à l’insertion sociale sont enfin insuffisants.
Un éclaircissement des règles administratives et juridiques encadrant la prostitution est donc nécessaire et cela est un des objectifs du projet de loi de lutte contre le système prostitutionnel en cours de discussion.
Projet de loi « Lutte contre le système prostitutionnel » : notre positionnement
De manière générale, Aux captifs, la libération salue le rappel de principes fondamentaux tels que la non-patrimonialité du corps humain et la dignité égale de toute personne. A la lueur de ces principes, la proposition de loi marque par sa volonté de faire évoluer les comportements et les représentations sur la prostitution et les personnes en situation de prostitution. Enfin, elle développe le volet social de la politique à mener sur la prostitution et propose des avancées en matière de droits et de protection pour les personnes en situation de prostitution désireuses de quitter la prostitution, dont les personnes victimes de la traite des êtres humains ou de proxénétisme.
Nous rappelons que la prostitution n’est pas uniquement féminine mais qu’elle concerne aussi des hommes et des personnes transgenres.
Lire le document « Regard d’Aux captifs, la libération sur une réalité complexe : la prostitution et les personnes en situation de prostitution »
Pour en savoir plus sur les débats de sociétés autour de la prostitution :
- Prostitution et société : les trois grandes approches
- L’association et les trois approches
- La traite des êtres humains