Religieuse du Sacré-Cœur de Jésus depuis 2001, Sœur Rachel est bien connue des Captifs. De son premier stage de noviciat en tournée rue dans le Bois de Boulogne à sa mission de travailleuse sociale en tant que conseillère en insertion professionnelle à l’antenne Sainte Jeanne de Chantal, beaucoup ont eu la chance de rencontrer son chemin.
Quelle était votre mission auprès des Captifs en tant que travailleuse sociale ?
J’ai connu 3 fois les Captifs au cours de ma vie. Ma première mission était une tournée-rue au Bois de Boulogne à la rencontre des personnes en situation de prostitution. Cette mission n’a duré que quelques mois mais j’étais déjà marquée à vie par les personnes rencontrées. A l’époque, je me suis dit « Rachel tu te débrouilles comme tu peux, mais tu dois retrouver les Captifs au cours de ta vie ». Grâce à Dieu je suis donc revenue 2 fois aux Captifs en tant que travailleuse sociale pour l’antenne Sainte Jeanne de Chantal, avec pour mission d’aider les personnes souhaitant sortir de la prostitution à trouver un travail. C’était donc une mission de travail social pur et dur mais dans laquelle la question du lien était fondamentale. Le lien est pour moi l’ADN du travail social.
Patrick Giros disait : « Je ne peux pas me sauver tout seul, je ne peux pas être sauvé tout seul, j’ai besoin de l’Eglise que Jésus nous a donnée pour résister au long des siècles ». Pensez-vous qu’effectivement le travail social ne suffit pas ?
« Je ne peux pas me sauver seul », c’est vrai pour tout le monde, pas seulement pour quelqu’un de la rue en situation de précarité qui n’arrive pas à s’en sortir. C’est beaucoup plus profond ; le regard que nous portons sur nous-même n’est jamais suffisamment ajusté. C’est le regard de Dieu qui sait nous contempler, qui sait s’émerveiller profondément de qui nous sommes, avec justesse, la justesse de l’amour pur. Je pense aussi que seul on n’arrive à rien, on a besoin du regard de nos frères et sœurs qui se rapproche du regard de Dieu pour nous révéler à nous même, et découvrir la merveille que nous sommes malgré nos histoires. Nous avons besoin de nous recevoir des autres pour profondément se recevoir de Dieu.
Un des sens de l’Eglise cher à Patrick Giros était la dimension de territoire. Effectivement, une des définitions de l’Eglise est de dire que l’Eglise est un territoire ; « A Sainte Jeanne de Chantal, le Bois de Boulogne est sur le territoire de ma paroisse, donc les personnes du bois sont mes paroissiens. ». L’Eglise nous assure une appartenance, qui que tu sois, tu as une place, tu es paroissien. Or pour ces personnes accueillies ayant subi des ruptures et des abandons, ce qui est fondamental c’est de pouvoir être en lien. Ces personnes souffrent de ne pas être rejoins dans leur souffrance. C’est une solitude abyssale. Au sein de la paroisse, elles font parties d’une communauté, elles ont leur place.
Selon moi, le travail social n’existe qu’avec une authentique hospitalité et amitié. En effet pour ces personnes que nous aidons, le plus dur à vivre est cette absolue solitude. Le travail social est une super boite à outils pour arriver à restaurer un lien authentique, pour arriver à restaurer la confiance en l’humanité, en ses propres facultés, pour déployer la plus belle partie de chacun.
Cette dimension spirituelle a-t-elle toujours été omniprésente dans votre vision du travail social ?
J’essaie toujours d’avoir le Christ au cœur des rencontres avec les personnes accueillies. J’essaie de Le mettre au centre, de Lui remettre les personnes qui me sont confiées, de prier pour les personnes que j’accompagne. Pour ma part, je le vois comme un travail social-chrétien. On devrait toujours pouvoir voir quelque chose de chrétien dans notre travail social. Et pas le travail social d’un côté et la foi de l’autre. La personne n’est qu’une et donc notre accompagnement doit lui aussi être global.
Photo de Sœur Rachel Guillien prise lors d’un pèlerinage à Lourdes avec les Captifs.